Une des fleurs envoyées par le Ciel

Une des fleurs envoyées par le Ciel

mardi 2 août 2016


BONHEUR DU JOUR 
REVOIR A VOLONTE TOUS LES EPISODES DE LA MEILLEURE SERIE DU MONDE








LE TEMPS DES MIROIRS  
Les tilleuls embaumaient l'air de ce début Juin. Soudain submergés par cette odeur au parfum de nostalgie, les deux hommes pressèrent instinctivement le pas le long de l'allée qui menait à la maison de leur enfance. Nichée tout au fond de l'écrin de verdure du parc, semblant chauffer ses vieilles pierres au soleil couchant, la bâtisse les attendait depuis toujours. Les fenêtres et les portes en bois, l'harmonie de la façade et la glycine qui courait au dessus du seuil ; tout contribuait à donner à l'endroit ce charme et même cette magie si particulière dont tous deux se souvenaient. Le parc et la maison elle-même avaient souvent retenti de leurs rires d'enfants turbulents et joyeux mais c'était bien la voix d'Olaya qui s'élevait à travers le temps dans l'esprit des deux cousins. Claire et cascadant comme une eau vive au rythme des « r » auxquels ses origines espagnoles donnaient une vie particulière, elle ponctuait leurs journées de vacances chaque été, depuis son lumineux et souriant accueil matinal jusqu'à l'appel précédant le repas du soir. 
     « Baptiste ! Raphaël ! Où êtes-vous ? Il est l'heure. »
     Avec Olaya, il était toujours l'heure. L'heure de se lever, l'heure de manger mais aussi et surtout l'heure de venir voir, découvrir, apprendre … Le temps semblait suspendre son vol, comme éclaté en mille petites bulles de bonheur : petits bijoux ciselés par le souffle de l'instant. La porte venait de céder sous leurs efforts conjugués ; le bois que l'humidité de l'hiver avait tendu protesta faiblement. Simplement pour la forme leur sembla-t-il; comme si la maison venait de les reconnaître et d'accepter leur présence. La fraicheur du dallage de losanges blancs et noirs les mena comme autrefois à la cuisine où la longue table de bois leur parut bien vide. Olaya s'en était allée et avec elle les pommes et les poires du jardin, les confitures et les tas de légumes fièrement alignés en attente de leur épluchage. Ils ressortirent sans s'attarder, bien conscients que le supplément d'âme qu'ils cherchaient ne se cachaient dans aucun des tiroirs de la pièce. Olaya avait été précise dans son testament; le trésor se trouvait au grenier. Quelque chose leur disait qu'il y avait quand même là une certaine logique et que c'était bien parmi l'amas d'objets hétéroclites amoncelés là-haut que se trouvaient la plupart de leurs découvertes d'enfants. Alors, une dernière fois …
     L'escalier grinça et craqua tout comme dans leurs souvenirs et la trompeuse caresse de sa rampe imprima de nouvelles petites griffures à leurs mains imprudentes et oublieuses. La clanche à peine  enfoncée, la porte s'effaça sans un bruit. Surpris par tant de coopération soudaine, Baptiste et Raphaël se tinrent un instant sur le seuil. Retenant leur souffle, comme pris d'une timidité soudaine, ils demeurèrent quelques instants à observer le paradis qu'ils croyaient perdu. Une longue poutre le traversait de part en part soutenue en son centre par une autre plus massive. Autour de cette base s'articulait un petit réseau qui permettait aux planches assemblées au dessus de maintenir les tuiles du toit en une pente harmonieuse qui rejoignait le parquet des deux côtés. Dans la partie la plus éloignée, les rayons du soleil tombant par une petite fenêtre jouaient avec les bocaux de confiture créant un kaléidoscope multicolore. Si l’oeil était ainsi charmé, le nez n’avait rien à lui envier : dans toute la pièce flottait l’odeur douce et sucré du tilleul en train de sécher. 
     «Tu te souviens de l’odeur des draps? Abuelita  les étendait là-bas, de l’autre côté. Quand je repense à toutes ces années, c’est ce qui revient en premier : l’odeur de tilleul et de linge propre.»
     Raphaël sembla sortir du long rêve dans lequel l’avait plongé son entrée dans la pièce. 
     « Abuelita … Elle adorait qu’on l’appelle comme ça. Plus jamais …
     - Raf, on était d’accord: elle n’aurait pas voulu, tu sais bien.
     - Oui, tu as raison. Allez, viens, c’est parti : je déclare la chasse au trésor ouverte !
     - Attends, qui dit chasse au trésor dit carte.»
     Joignant le geste à la parole Baptiste sortit de la poche de sa veste un papier plié en quatre avant de l’ouvrir délicatement. 
     «Une carte? Pas vraiment: deux énigmes plutôt.»
     Raphaël venait de s’emparer du papier que leur avait confié le notaire deux semaines auparavant. Olaya ne s’était jamais fait la moindre illusion sur le sort qui serait réservé à sa maison; ses enfants la vendraient tout simplement parce que leur vie était désormais ailleurs. Et aucun de ses petit-enfants ne pourrait se permettre de la prendre en charge. Par contre, elle avait tenu à faire un testament dans les règles de l'art et avait mis tout son cœur pour trouver ce qui convenait le mieux à chacun, ce qui serait à la fois un souvenir d'elle et d'un passé commun mais aussi un message. Sur le papier qui tremblait légèrement entre les mains de Raphaël courait l'écriture fine, déliée, délicate de la vieille femme: ses instructions pour leur permettre d'entrer en possession de ce qu'elle avait réservé pour eux. Pourquoi sous cette forme-là? Les deux cousins ne s'étaient pas posé la question bien longtemps; leur grand-mère connaissait parfaitement leur goût pour le romanesque.
    «Dans l'odeur sagement rangée tu trouveras ton épée». L'énigme ne posa aucun problème à Baptiste et le fleuret de l'arrière grand-père qui l'avait tant de fois transformé en d'Artagnan apparut rapidement entre les piles de vieux draps pliés et oubliés dans le buffet bas depuis la mort d'Olaya. Raphaël, lui, restait pensif. Baptiste s'empara du papier et lut ce qui intriguait tant son cousin: « Si connaître la vérité t'importe, enfin il te faut ouvrir la porte».
   -C'est une blague ou quoi? Abuelita veut que tu démontes la porte? Une idée de déco ...
     Pour toute réponse, Raphaël lui désigna le fond de la pièce: un drap recouvrait ce qui semblait être un miroir. Baptiste s'avançait déjà, curieux, quand Raphaël arrêta son geste. 
     -Raf, qu'est-ce qui se passe? Je m'en souviens de ce miroir, il n'est pas très beau mais quand même, ça te fera un souvenir.
   -Je ne l'ai jamais aimé, il me faisait peur autant qu'il me fascinait. Et Abuelita le savait. Tu ne te souviens pas de ce qu'elle disait? Que l'âme des morts s'y trouve piégée. Que c'est pour ça qu'il faut couvrir les miroirs quand quelqu'un meurt.
   -N'importe quoi! Jamais personne n'est mort dans cette maison. Il n'y a eu que des naissances. Dont la tienne. Une des histoires préférées d'Olaya.
   -Je ne sais pas, j'ai toujours eu un sentiment bizarre en passant devant ce miroir comme si c'était lui qui me regardait. Comme si quelqu'un m'y attendait. 
    - Oui, tout à fait. Regarde, ils sont même deux.
    Cette fois, Raphaël n'avait pas été assez rapide; le drap gisait à terre et Baptiste lui souriait maintenant depuis l'autre monde. Son compère par contre … 
   -OK, Raf, l'idée d'Abuelita ne te plaît pas. Ecoute, réfléchis deux secondes, et après on s'en va. Juste le temps que je regarde dans les draps où j'ai trouvé le fleuret; dans mes souvenirs, il y avait un fourreau avec.
    A peine le temps de finir sa phrase, Baptiste était déjà parti. Raphaël plongea enfin les yeux dans ceux qui lui faisaient face. 
   -Pas de fourreau, Raf, mais regarde ce que j'ai trouvé: les archives d'Olaya. Elle y a noté tous les événements marquants... D'ailleurs, il y avait un marque-page au jour de ta naissance. Il semblerait que ça ait été plus mouvementé que prévu: tu avais un jumeau, et … Raf?
    Le soleil se couchait déjà. Raf demeurait invisible. Enfin, une ombre émergea, semblant sortir du mur à côté du miroir.
-Tu m'as presque fait peur. On y va? Tu as décidé pour le miroir?
   La réponse fut éloquente: Raphaël venait de repositionner le drap. Quelques secondes plus tard la porte du grenier se refermait à tout jamais. Seul le miroir répondit à son grincement. D'un long cri silencieux.  
     




vendredi 24 juin 2016



THIERRY HENRY. UN GRAND MONSIEUR. EN VISITE PRIVEE, IL A ACCEPTE DE SE CACHER POUR NE PAS PERTURBER LES EPREUVES DU BREVET AVANT DE FAIRE PLAISIR AUX GAMINS EN POSANT AVEC EUX 



dimanche 19 juin 2016

LE BONHEUR TOTAL



Pourquoi je continue à aimer mon métier malgré les élèves pénibles et les réformes infernales? Parce qu' il reste des plages de bonheur total. Un exemple:? Une élève vendredi : "merci beaucoup pour cette année, Madame. Vous nous avez appris plein de choses" Mais que demander de plus ?????

lundi 22 février 2016

Dean Martin - In the Chapel in the Moonlight



deuxième antidépresseur : Dean Martin

et tout spécialement cette chanson là : In the chapelle in the moonlight

Or-gas-mi-que !
GENE KELLY : MON ANTIDEPRESSEUR PERSONNEL IL EST JUSTE FABULEUX. CAPABLE DE FAIRE CROIRE QUE CE QU'IL FAIT EST FACILE.

vendredi 8 janvier 2016

LE GRENIER MAGIQUE


     Si la maison de Cécile est une aventure, un bonheur total, à elle seule, le grenier, quant à lui, est carrément magique. Déjà, son accès est à l’image de ce qui entoure la maison elle-même : inhabituel. On entre dans la maison par la cuisine. Une cuisine étrange dans laquelle trône un lit. Comme au siècle dernier. 
     Ensuite, en se courbant presqu’en deux pour passer sous la petite porte, on entre dans la dénommée « chambre du milieu ». En plus de son lit, tout aussi imposant que celui de la cuisine avec ses hauts montants de bois, une table ronde et trois énormes armoires occupent la pièce. En face une deuxième chambre, beaucoup plus petite, dite « chambre de Marie », « chambre bleue » ou « petite chambre ». Au fond, une autre porte qui mène à la cave ; de hautes étagères remplies de bocaux de conserve et à gauche la merveille : l’escalier qui monte au grenier.
     Une fois la trappe soulevée, on se trouve dans la première partie. Légèrement surélevée d’un côté, elle ne contient rien de bien intéressant : de vieilles casseroles, une lessiveuse percée, des chaussures dépareillées, quelques vieux livres…
     La magie commence une fois poussée la porte qui mène au grenier lui-même. Un endroit où aucun adulte ne peut se tenir debout ou alors tout juste au milieu, sous la grosse poutre. L’odeur du tilleul en train de sécher est indissociable de l’endroit ; une odeur douce et persistante à la fois, subtile et sucrée qui la suivra toute sa vie. Une odeur de nostalgie.
     La première chose que l’on découvre est une grande cantine militaire ; l’ouvrir revient à plonger dans la vie de Jean. Un chapeau de brousse venu tout droit d’Indochine, un pantalon de spahi sorti des sables du désert, un « casoar » symbole de Saint-Cyr, de vieux treillis, une saharienne … Pendant longtemps, une fois rentrée du lycée, Aurélie revêtira son « uniforme » composé de vêtements arrachés à l’oubli de la malle. 
     A gauche, un buffet bas rempli de vieux livres lui fournira ses premières grandes émotions littéraires. Un titre en particulier, Le maître du simoun, la marquera tellement qu’elle se rendra compte trente ans plus tard que les romans qu’elle écrit ne vise qu’un seul but : lui faire revivre le trouble ressenti à sa lecture. La recette en est simple : de l’aventure, un soupçon d’érotisme, une touche de perversité, des tonnes de bons sentiments sur fond de dépaysement total.
      Le plus incroyable c’est ce que la jeune fille découvrira un jour tout au fond d’une étagère, dissimulé derrière les piles des romans-éditions du début du siècle-de Jules Verne : des fleurets ! Authentiques armes de combat venant d’un lointain cousin du grand-père d’Aurélie. Que d’heures passées à combattre d’invisibles ennemis pendant que Cécile étend son linge ! Combien de pauvres gens sans défense sauvés grâce à son légendaire courage !
      A droite, un autre buffet bas fait le pendant du premier. Celui-ci est en principe destiné au linge dont on n’a plus l’utilité mais que l’on ne se résigne pas pour autant à jeter ; nappes ayant servi pour les grandes occasions, draps brodés venant du trousseau de mariage de la grand-mère ou serviettes de table transmises par la belle-famille. En principe car si l’on s’en donne la peine, coincé entre deux piles de mouchoirs, apparait le trésor : de vieilles revues de cinéma. Cachées là par une âme romanesque, consultées sans aucun doute les soirs d’ennui ou les nuits de solitude, dérisoire rempart contre une vie de labeur et d’absence. Porte ouverte sur une nostalgie autre pour Aurélie, sur un rêve étranger, sur une jeunesse à la fois familière et inconnue.
      Pour parvenir à dénicher le butin suivant, il faut accepter de se perdre dans le labyrinthe des draps toujours en train de sécher sous les tuiles. Quand on parvient à s’arracher à leur rude caresse, le nez encore plein de leur bonne odeur de blanc, on découvre la merveille du kaleïdoscope. Les rayons du soleil qui tombent de la petite fenêtre jouent sur les bocaux rouges et projettent sur le mur leur fantasmagorie de fraises ou de framboises. Aurélie peut rester des heures, littéralement fascinée par le jeu des ombres et des lumières, hypnotisée par le rougoiement des confitures magiques.
     Car c’est bien de cela qu’il est question : de féerie. De grâce. D’un temps suspendu entre rêve et réalité. Un temps hors du temps au doux parfum d’enfance. Un monde secret qui n’appartient qu’à ceux qui savent le voir. Avec les yeux du cœur. Cécile morte, Aurélie n’est que rarement retournée dans la petite maison avant la vente mais jamais, au grand jamais, elle n’a voulu remettre les pieds au grenier. Pour le garder intact. Lui et son odeur de tilleul.

  
LE TEMPS DE L'ECRIVAIN


L’histoire de chaque écrivain se confond avec celle de son temps. Un temps de résistance face à l’oppression du temps des autres […]. Un temps de solitude arraché au temps criminel des masses […]. Le temps de l’écrivain n’est que le temps du refus. Une part d’intimité avec soi, volée ou conquise, niée, piétinée et laminée par tous, à chaque fois restaurée à grand-peine au moment de se colleter avec ses mots, aborder la douloureuse singularité de sa vérité, l’habiller d’émotions et de doutes, avant de la poser en minuscule offrande dans la gamelle d’un univers repu. 
AHMED ZITOUNI

jeudi 7 janvier 2016

LE BARINE ET LE MOUJIK

LA LETTRE DE RUSSIE 3



LE VENT DANS LES FEUILLES MORTES
     Aurélie remonte l’avenue de Blossac. L’automne étend son manteau virevoltant de rouge et d’or mêlés. Sur les côtés de la promenade, orgueil de la vie Saint-Maixentaise, les arbres tendent leurs branches dénudées vers le ciel. Un dome gris, fantasque, assorti aux toîts d’ardoise des maisons de l’avenue, plane sur la ville. 
     La petite fille sautille, insouciante. Chez elle, pas de déprime saisonnière. Pas de sentiment de fuite du temps qui passe. De peur de l’enfermement de l’hiver. Au contraire, elle se sent pousser des ailes. Pour la première fois, elle a le droit d’aller à l’école seule ; elle a tout de même huit ans ! Il a même fallu que l’un de ses petits frères attrape les oreillons pour que Marie se laisse fléchir et reste à la maison. Enfin sur le seuil et après mille recommandations. 
     Bien inutiles ; une seule rue à traverser, juste à côté de la Porte Châlon, unique vestige des anciens remparts de la ville. Pas besoin de surveiller à droite, à gauche. Aurélie peut se consacrer à ce qui fait l’essentiel de sa vie : rêver. Inventer, imaginer. Comme si la vie ne lui convenait pas vraiment, comme si le vide de certains instants pesait insupportablement sur ses épaules, elle s’évade. L’imagination est son domaine, territoire de la fantaisie, du possible non réalisé, de l’extraordinaire à portée de main.
     Concentrée pendant le temps scolaire, Aurélie ne touche plus terre dès la sortie. Absorbée en permanence par l’élaboration d’un univers peuplé d’invraisemblables héros. Inventant mille intrigues, de multiples rebondissements, de nobles motifs ou de basses envies. Répétant encore et encore une scène jusqu’à atteidre la perfection. 
     Pour une petite fille aussi fantasque, les mots « bourrasques », « vent » ou « automne » ne sauraient suffire ; il faut que les feuilles soient animées. Dotées d’une volonté même. Mais pas d’une vie qui leur serait propre, non, elles doivent répondre à ses désirs à elle, Aurélie

     Et c’est ainsi que, pendant qu’elle chemine le long du trottoir, elle soulève des tourbillons de vie mordorées, des « sorcières » qui agitent leur chevelure d’humus, des fantômes rouges et bruns. A chaque seconde, elle anticipe, devinant pour mieux insuffler la vie. Tendue, toute à sa recherche, à sa création, elle fend l’espace, déesse du vent, maîtresse des arbres, princesse des feuilles mortes.